La critique
Il y avait les pyramides, les pagodes, les cathédrales, aujourd'hui, il y aies centres commerciaux, temples climatisés de la consommation qui abritent une nouvelle idole : la marchandise. Dépenser est devenu l'essence de notre culture et les mails en sont le nouvel écrin. Jon Jerde, l'un des plus célèbres architectes américains de ce genre d'ouvrages, explique : «Nous nous posons la même question que celle que se posaient autrefois les rois : comment abriter nos rites culturels ? Louis XIV a construit Versailles. Nous, nous construisons des villes intégrées où l'on peut tout faire, marcher, déjeuner, draguer, s'amuser avec nos enfants.» Les Etats-Unis comptent 20 000 centres commerciaux, fréquentés annuellement par 250 millions de visiteurs, avec un chiffre d'affaires annuel supérieur au trillion de dollars. Ou cela va-t-il s'arrêter ? «Je ne sais pas, répond Eric Kuhne, architecte américain spécialiste des projets mixtes associant loisirs et commerces. La tendance est à l'expansion. Nos produits correspondent à l'appétit de l'époque.» Et que dicte cet appétit ? «Une envie de sécurité, de liberté mais aussi de voyage», précise Rubin Stahl, développeur canadien qui construit un mail écolo de 48 hectares au Canada. «Il faut apporter hospitalité, sécurité, convivialité et places de parking en très grand nombre. Le visiteur du mail doit à la fois être rassuré tout en ayant le sentiment de pouvoir se perdre. Dans cette alchimie réside le succès.»
L'inventeur des mails est un socialiste autrichien arrivé en 1933 en Amérique qui a voulu recréer, dans ces centres, l'ambiance des rues de Vienne, où l'on peut écouter de la musique, boire un chocolat, faire ses courses, offrir un tour de manège à ses enfants. Et surtout échapper à la solitude des rues désertes de la plupart des villes américaines.
Parfois, ces succès commerciaux suscitent la colère. En Inde, les petits commerçants se révoltent. Un groupe de pression vert a réussi à mettre en échec la construction d'un centre de luxe sur la Wilderness Delhi Ridge. Un remarquable documentaire qui en dit davantage sur la triste condition humaine que sur les mails eux-mêmes.